Ce cours est réalisé à partir du livre d’Emmanuel Housset intitulé La vocation de la personne, aux éditions PUF Épiméthée 2007, précisément le chapitre V.
L’homme comme être de frontière #
À l’occasion de ce cours nous reverrons ou nous anticiperons des données du cours sur l’âme et le corps.
Thomas d’Aquin réussit à montrer que le terme de personne « tient ensemble la double dimension de la subsistance propre et du don de soi ». Grâce à une reprise de la pensée aristotélicienne enrichie par la tradition biblique, il décrit la personne humaine comme un être de frontière. L’homme n’est ni un ange ni un simple animal. Il n’est pas un ange car il est totalement corporel. Il n’est pas un simple animal car il est totalement spirituel, c’est-à-dire totalement intelligent. Je rappelle que les anciens grecs désignaient les esprits par l’expression intelligences séparées.
L’homme est un être de frontière car il est en même temps totalement corporel et totalement spirituel. Thomas d’Aquin donne toute sa force à l’unité de la personne humaine en affirmant l’unité foncière de l’âme et du corps. En reprenant la notion de forme à Aristote, il permet de penser l’âme humaine comme forme spirituelle du corps, et permet ainsi de libérer notre représentation de l’union de l’âme et du corps comme étant accidentelle. L’âme et le corps sont intimement unis dès le départ, dès la conception, car l’âme humaine n’est rien d’autre que la forme du corps humain, c’est-à-dire cette puissance formatrice qui rassemble les différents atomes qui composent l’ensemble de notre corps. Cette puissance formatrice est spirituelle car
intellectuelle. Elle est donnée directement par Dieu à l’instant même de la conception, et c’est elle qui ordonne l’ensemble du composé matériel humain.
Différence avec la pensée gnostique #
La personne humaine n’est donc plus pensée comme chez Platon ou chez les gnostiques comme un esprit qui s’incarne dans un corps qui aurait une constitution indépendante, un peu comme si le corps n’était qu’un simple véhicule passager. La personne humaine est une unité indissociable d’une âme spirituelle qui informe un corps matériel. Le fait que cette âme spirituelle puisse subsister après la mort ne change pas le fait que le terme de personne ne s’applique qu’au composé humain, c’est-à-dire à l’union de l’âme et du corps considérés. Le corps en question qui constitue notre personne est soit notre corps actuel, soit notre futur corps glorieux. Dans l’attente de son corps glorieux, l’âme subsistante ne peut pas à proprement parler être appeler une personne humaine. Dire cela n’épuise évidemment pas l’épaisseur du mystère.
La personne humaine est donc le seul être de frontière car elle est la seule créature qui est à la fois matérielle et spirituelle. Pour Thomas d’Aquin, les animaux n’ont pas d’esprit même s’ils ont une âme immatérielle non spirituelle et les anges ne sont que spirituels, ils n’ont pas de corps même s’ils peuvent semble-t-il prendre l’apparence d’un corps en contrôlant la matière à un niveau sans doute sub-atomique (mais nos connaissances en ce domaine sont très limitées). Le livre de référence actuel à ce sujet est le livre du père Jean-Baptiste Golfier intitulé Tactiques du diable et délivrances aux éditions Artège Le Thielleux.
C’est aussi un être de frontière dans le sens où en tant qu’esprit, l’homme est toujours en relation avec Dieu. Emmanuel Housset le développe particulièrement dans la partie de son livre consacré à la notion de relation subsistante qui est constitutive de la notion de personne chez Thomas d’Aquin. Ainsi, la philosophie moderne qui aboutit à la définition kantienne de la personne comme fin en soi, et qui parle surtout de la personne en termes de conscience de soi, de droit, d’égalité et de propriété, ou comme d’un étant ayant conscience de lui-même et possédant des droits et des devoirs, oublie complètement la définition de Thomas d’Aquin.
Vocation et identité d’exode #
Emmanuel Housset insiste sur ce point. Chez Thomas d’Aquin, toute personne humaine est une vocation qui s’accomplit dans sa chair. Il utilise aussi l’expression d’ipséité d’exode de la personne charnelle. L’homme est un être de frontière dans le sens où il n’est jamais totalement séparé de son créateur. Son intelligence le relie naturellement et en permanence à son créateur, même si l’homme peut refuser de raviver ce lien. Ravivant ce lien, la personne humaine chemine vers la promesse d’une pleine activation du dialogue amoureux avec son Créateur. Au contraire, la conception moderne de la personne humaine fait d’elle un être totalement solitaire, coupé de Dieu.
Approche juridique et approche biblique de la personne #
Emmanuel Housset désigne la conception moderne de la personne humaine par l’expression : l’approche juridique de la personne humaine. Il désigne la conception thomiste de la personne humaine par l’expression : l’approche biblique de la personne humaine. Cela ne veut pas dire que la conception moderne ne nous apprend rien sur la personne humaine, mais cela veut dire que cette approche manque forcément quelque chose d’essentiel à toute personne humaine. Le rejet de la pensée thomiste au profit d’une pensée kantienne ou néo-kantienne conduit inévitablement à la perte d’une dimension essentielle de la personne.
Une autre donnée importante qui nous vient de Thomas d’Aquin, et qui vient enrichir notre connaissance de toute personne humaine, c’est que l’âme humaine forme du corps est individuellement intelligente, personnelle et immortelle. C’est vers 1270 dans le livre 2 de la Somme contre les Gentils, que saint Thomas va pleinement soutenir que l’intellect est forme du corps et donc qu’il est par nature uni au corps de l’homme.
Cependant, il est difficile de savoir si nous avons bien pris la mesure à l’époque et dans les siècles suivants de l’ampleur de cette affirmation. L’intellect est la forme substantielle du corps humain, ou pour le dire autrement, c’est son principe animateur et organisateur. Cela veut dire aussi que l’intellect humain est individué en lui-même. Le principe intelligent de chaque être humain est unique et se distingue de celui des autres humains. Notre intelligence propre est unique, comme nous sommes unique. Il n’existe pas une intelligence identique pour tous les hommes à laquelle chaque homme participerait. Il y a autant d’intelligences humaines que d’êtres humains.
Importance de la syndérèse #
Cependant comme toute intelligence humaine est éclairée naturellement par la lumière de la syndérèse, elle est capable d’éclairer la réalité qu’elle appréhende d’une lumière personnelle qui prend sa source dans des principes communs. Ainsi des êtres intelligents d’une intelligence à chaque fois unique et propre à chacun, sont capables de retrouver les principes logiques communs grâce à cette syndérèse qui les maintient en permanence en lien avec l’intelligence divine.
Pour en savoir plus sur la notion de syndérèse, je vous invite à prendre le temps de regarder mon cours sur la conscience que vous trouverez ici :
Mystère de l’âme intellectuelle #
De même l’une des conséquences d’avoir une âme intellectuelle, c’est que notre intelligence ne saurait se réduire au fonctionnement de notre cerveau. Les recherches récentes concernant l’intelligence émotionnelle montrent d’ailleurs que notre « deuxième cerveau », c’est-à-dire l’ensemble des neurones qui entourent nos intestins, aurait un rôle essentiel dans notre fonctionnement émotionnel. Or ce « deuxième cerveau » semble influencé par la plus ou moins grande harmonie règnant dans notre microbiote intra-intestinal. Ces recherches biologiques récentes montrent que notre intelligence ne serait donc pas seulement logée dans notre cerveau. La conception de Thomas d’Aquin va cependant encore plus loin, elle envisage l’intelligence comme étant la force animatrice de l’ensemble de notre corps et pas seulement la forme animatrice de notre système nerveux.
Évidemment cela reste encore éminemment mystérieux pour nous. Cependant, la notion même de code génétique devrait pourtant nous interroger. Comment un code génétique pourrait exister sans être intelligent. Tout informaticien sait qu’un code informatique est intelligent et ne peux exister sans avoir à sa source une ou plusieurs intelligences. Croyez-vous vraiment que le code génétique est moins complexe que le code informatique d’une application ?
La notion même de code devrait interroger nos frères en humanité qui se disent athées ou agnostiques.
Individuation et incarnation #
Importance de la résurrection du Christ #
La résurrection du Christ vient bouleverser complètement la représentation que l’homme se faisait de son propre corps. Le fait que Thomas d’Aquin rejette la conception substantialiste de l’âme, c’est-à-dire la conception qui fait de l’âme une substance, pour affirmer que c’est le composé corps-âme qui est une substance, vient modifier la représentation que l’homme pouvait se faire de son propre corps. La singularité d’un être humain, c’est-à-dire le fait que cet être humain est singulier et unique, n’est pas une individuation et une limitation par la matière d’une espèce humaine qui s’incarnerait dans tel corps particulier. La singularité d’un être humain est une singularité à la fois du corps et de l’âme.
Pour Thomas d’Aquin l’individuation, qui est un ensemble d’actes communs à l’âme et au corps, commence avec l’union de l’âme humaine avec la matière signée de l’ovule fécondé, et se fait par l’histoire et par la liberté de la personne humaine.
Notion de matière signée #
Cette notion de matière signée nous fait évidemment pensé aujourd’hui à la rencontre de l’ADN maternel et de l’ADN paternel. Mais le problème est plus complexe car, le reste de la matière apporté par l’ovule est aussi signé, je pense particulièrement à l’ADN mitochondrial, qui nous viendrait d’une ancêtre commune à tous les hommes et qui fait que les scientifiques eux-mêmes parlent de l’Ève mitochondriale (comme ils parlent aussi de l’Adam Y-chromosomique). Ce qui est amusant quand on lit ce que disent les scientifiques à ce sujet, c’est qu’ils précisent toujours que cela n’a rien à voir avec la référence biblique, tout en oubliant de préciser que les découvertes récentes viennent rendre scientifiquement possible la narration biblique…
L’âme humaine n’est pas une substance individuelle, disions-nous, mais elle est cependant subsistante et c’est elle qui communique au corps l’être qui lui est propre. L’âme intellective est donc bien la forme substantielle unique qui assure l’unité de la personne humaine, qui fait l’unité de l’âme et du corps. Emmanuel Housset cite alors Gilles Emery : « la corporéité de l’homme c’est son âme intellective », Nova et Vetera, 2000/2, p. 68. Il n’y donc pas 3 âmes en l’homme comme le pensent certains commentateurs de Thomas d’Aquin, mais une seule âme. C’est l’âme intellectuelle qui assure les fonctions sensitives et nutritives (végétatives) du corps humain. La référence thomiste concernant cette affirmation qu’il n’y a qu’une seule âme en l’homme qui assure les fonctions intellectives, sensitives et nutritives (végétatives), se trouve dans son commentaire du traité de l’âme d’Aristote p.130 de la traduction française réalisée par Jean-Marie Vernier, et les références pour retrouver le texte latin sont 412a15-412a22. Je donne ces précisions pour ceux qui croiraient un peu trop facilement certains commentateurs qui sur-interprètent le texte originelle de Thomas d’Aquin.
Le mode de connaissance que l’homme peut donc avoir du monde et de lui-même est donc un mode de connaissance lié à notre corps. L’âme intellective connaît le monde et se connaît elle-même par l’intermédiaire de ses sens. Elle peut connaître les principes de la raison et les principes moraux par l’intermédiaire de la syndérèse mais c’est à peu près tout. Pour le dire autrement, pour Thomas d’Aquin, l’être humain ne possède pas du tout le même mode d’intellection que celui des anges. Pour parler en termes bergsoniens nous pourrions dire que l’homme possède très peu d’intuition (à la différence d’ailleurs de ce que Bergson croyait lui-même). En termes thomistes, on pourrait dire que l’homme est bien plus raisonnable qu’intelligent, son intelligence est ridiculement réduite par rapport à celle des anges.
L’erreur d’une représentation angélique de la personne humaine #
Dans son livre, 3 réformateurs, Jacques Maritain remarquera d’ailleurs que lorsque René Descartes définit l’intelligence humaine, il confond l’intelligence humaine avec l’intelligence angélique. Ou pour le dire autrement, la manière dont René Descartes définit l’intelligence humaine correspond à la manière dont la scolastique décrivait l’intelligence angélique. Nous pourrions en déduire que Descartes était peut-être sous l’influence d’un Malin Génie, et c’est vrai que ce que la tradition appelle les songes de Descartes pourrait nous le laisser accroire, mais évidemment c’est invérifiable, et de plus, cette interprétation est peu appréciée par les spécialistes actuels de Descartes.
Revenons maintenant sur la distinction entre l’ange et l’être humain. Voilà ce que nous dit Emmanuel Housset p. 169 :
« En effet, à la différence de l’ange qui a une intellection directe de l’individu, la personne humaine peu seulement atteindre les universaux et n’a qu’une intellection indirecte et donc imparfaite de l’individu, y compris de sa propre individualité. Pour saint Thomas, il appartient à l’essence de la personne humaine que sa singularité ne lui soit pas directement donnée à voir, et cela parce que la connaissance de soi n’est pas la fin de la vie humaine. La personne ne s’individue vraiment par liberté qu’en se portant vers son principe et donc en se transcendant vers ce qui n’est pas elle, et on peut se demander si la thèse d’une intellection directe de soi n’est pas ce qui conduit à la perte de la transcendance de la personne et ainsi à l’oubli du sens d’être de la personne. »
Importance de la liberté de qualité pour notre identité d’exode #
C’est donc par son incarnation et par sa liberté que l’homme réalise son individualité. L’individuation humaine n’est pas séparable de son corps, pas seulement de son corps donné, mais de son corps agissant, c’est-à-dire de son corps agissant librement. Pour le dire autrement, nous devenons nous-mêmes par notre corps et par nos choix libres. Il n’y a pas une individualité déjà existante qu’il me faudrait connaître, je suis une individualité qui se déploie par les actes de mon corps.
Cette individualité qui se déploie, quand on a compris grâce à Servais Pinckaers que la liberté de qualité diffère de la liberté d’indifférence, peut se déployer en s’éloignant d’elle-même, en s’aliénant peu à peu par les choix qu’elle pose. Elle peut aussi se déployer en épanouissant le potentiel qui lui est déjà donné en choisissant délibérément la liberté de qualité. Ainsi devenir vraiment nous même dans cette identité d’exode dont parle tant Emmanuel Housset, consiste à choisir en âme et conscience de développer notre liberté de qualité.
Le rôle des vertus dans l’identité d’exode #
Ce qu’Emmanuel Housset ne met pas assez en évidence dans son livre quand il parle de la pensée de Thomas d’Aquin, c’est que cette liberté, liberté définie comme liberté de qualité, ne peut se réaliser que par le développement des vertus. Autant Thomas d’Aquin développe longuement dans ses livres l’importance des vertus, autant il y a presque un silence complet sur ce thème chez Emmanuel Housset. C’est dommage. C’est pourquoi je vous recommande de prendre le temps de lire Servais Pinckaers et Josef Pieper au sujet de la vision thomiste des vertus humaines. Ce qui me rassure, c’est que vous avez des cours de théologie morale qui devrait vous équiper sur la pensée de Thomas d’Aquin concernant le lien entre liberté de qualité et développement des vertus. Le livre référence de Josef Pieper à ce sujet s’intitule Le Quadrige.
Quand Emmanuel Housset dit p. 170 que « la liberté de l’homme est sa façon d’assumer un double pâtir : celui de l’intellection et celui du sentir », il oublie de préciser que cette façon d’assumer peut se faire soit en développant ses vertus soit en laissant grandir les vices. Par le développement des vertus, l’homme devient toujours plus lui-même, c’est-à-dire ce que Dieu de toute éternité a voulu qu’il devienne, par le développement des vices, l’homme finit petit à petit par s’aliéner.
En revanche, j’approuve complètement ce qu’il dit p. 173 :
« la distinction entre les hommes n’est ni une simple distinction entre les corps, ni une simple distinction entre les intellects, mais c’est une distinction entre les singuliers qui agissent ».
Il ajoute p. 174 :
« la personnalité, qui est une perfection de la créature, est ce qui peut advenir en accomplissant sa liberté dans une existence incarnée ».
Cette manière de décrire ce que peut être la personne humaine et ce que peut devenir notre personnalité me semble en effet correspondre complètement à ce que dit Thomas d’Aquin. Je crois cependant que ce serait encore plus compréhensible d’intégrer l’importance des développement de nos vertus dans ce processus d’individuation. C’est être plus fidèle à Thomas d’Aquin que de témoigner de l’importance qu’il accorde au développement des vertus. Penser la liberté de qualité sans penser en même temps l’importance des vertus, me semble en effet impossible.
La définition de la personne #
Défintion de la personne chez Boèce #
Grâce à tout ce que dit Emmanuel Housset, même s’il oublie de parler de l’importance des vertus, nous pouvons donc réussir à distinguer la définition de la personne humaine chez Boèce de celle donnée par Thomas d’Aquin. Cette distinction n’est pas facile à faire car en latin, elle s’exprime par les mêmes mots. Si nous traduisons la définition latine de la personne chez Boèce, nous obtenons, si nous ne prenons garde, la même formulation que nous trouvons dans certaines traductions de la définition latine de Thomas d’Aquin, c’est-à-dire : substance individuelle de nature rationnelle.
Pourtant, à certains moments Emmanuel Housset traduit différemment, et nous trouvons parfois des traductions différentes en fonction des éditions française de la Somme de Théologie. Nous trouvons parfois, non pas substance individuelle de nature rationnelle mais substance individuelle de nature raisonnable. En français les traducteurs échangent souvent les adjectifs rationnel et raisonnable comme s’ils étaient équivalents. Ainsi, ils peuvent commencer par utiliser l’adjectif raisonnable et continuer ensuite en revenant à l’adjectif rationnel.
Définition de la personne chez Thomas d’Aquin #
Je crois qu’il y a là à la fois une erreur et une heureuse trouvaille, une erreur quand on confond les 2, une heureuse trouvaille quand on traduit le latin en mettant raisonnable pour la formule de Thomas d’Aquin, et rationnel pour la formule de Boèce.
Cela permet de mieux comprendre pourquoi Emmanuel Housset peut dire p. 174 :
« La personne n’est pas un individu doué de raison (Boèce) mais elle est ce qui devient un individu par l’acte de penser et de vouloir ».
Il ajoute quelques lignes plus loin :
« la substantialité de la personne ne doit plus être considérée comme la permanence d’un substrat, mais comme le maintient volontaire d’un acte d’intellection, qui est aussi une tâche d’incarnation ».
Cette dernière phrase n’est pas forcément claire par elle-même. Je la comprends en considérant la différence entre l’adjectif rationnel et l’adjectif raisonnable. Par rationnel, on entend souvent doué de raison, lié à l’utilisation de la raison. Par raisonnable, on ajoute à l’adjectif rationnel, le sens moral, le sens de l’action tournée vers le bien. Quand on demande à quelqu’un d’être rationnel, on lui demande d’utiliser sa raison, de réfléchir. Quand on lui demande d’être raisonnable, on lui demande non seulement de réfléchir, mais d’agir de manière ajusté au réel, d’agir de manière juste. L’adjectif raisonnable permet d’intégrer, il me semble, la dimension morale donc vertueuse, dans la référence à la raison.
En mettant l’accent sur une définition de la personne chez Thomas d’Aquin qui pourrait se retenir aisément par la formule substance individuelle de nature raisonnable, il me semble que nous sommes fidèle aux paroles de Jésus rapportées par Matthieu dans son évangile au chapitre 6, verset 33 :
« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroit. N’ayez pas donc point de souci du lendemain, le lendemain aura aura souci de lui-même : à chaque jour suffit sa peine ».
Il me semble que c’est cela la véritable identité d’exode qui nous permet de développer notre moi fondamental : c’est la recherche constante aujourd’hui de l’incarnation dans notre vie de la justice là où nous sommes. Or la justice, le fait de rendre à chacun selon son dû, ne peut pas être réalisée sans vertu de justice ni sans les autres vertus. Le développement des vertus est donc la condition sine qua non du développement de notre véritable personnalité. Une fois que nous avons compris cela, nous comprenons pourquoi Thomas d’Aquin consacre autant de temps dans ses livres à développer sa réflexion sur les vertus.
Répondre par email